Encore un départ sous la pluie vers Leikanger, 370kms au Nord au bord du Sorgnefjorde. Le temps finit par s’arranger. Cascades et routes qui escaladent le ciel se succèdent jusqu’au fameux « Stahlheimskleiva », petite route de 4 à 5m de large aux 13 épingles avec jusqu’à 20% de pente. En moto, s’il n’y a personne et que c’est sec, c’est un régal, mais là, c’est mouillé et un car d’asiatiques (ils sont partout) est quasi bloqué dans une épingle abrupte… Nos asiatiques, sans descendre du car, veulent faire fonctionner Nikons et Cannons et trouvent que nous devrions, séance tenante, nous pousser pour les laisser mitrailler à loisir alors que manœuvrer pour nous dans ces conditions est dangereux et difficile (nos motos n’ont pas de marche arrière !). Je vous laisse deviner la réponse d’Alain à ces inénarrables « Jaunes ». C’est un peu plus tard un autre bon moment de rigolade, un peu « jaune » là aussi ! Je reconstitue le dialogue : Liette à Alain : « Mach lues, ech stinn op !» ... photo à droite (cascade), photo à gauche (une autre cascade ou la même 10m plus loin) et nous tous, derrière, à 10kms/h, en 1ière vitesse, en train de patienter (difficile de photographier en roulant). D’ailleurs la plus belle collection de photos de cascades ou de ponts est à voir chez Liette qui la tient certainement à disposition pour les intéressés (sur r.d.v. je pense). La journée n’est pas finie puisque durant toute la journée, JP et Axel, qui roulent devant moi, seront à la recherche désespérée d’un « mouton noir » (se rapporter au tout début du présent compte rendu) caché ou perdu au milieu des paisibles herbivores blancs que nous croisons en permanence. Quand, enfin, ils trouvent l’objet de leur recherche frénétique, c’est un torrent d’hilarité mêlé d’inquiétude retenue devant cette allégorie de l’envahissement de la pureté luxembourgeoise par ces maudits Français (je rappelle au lecteur distrait, que seul représentant de la langue de Molière et de la pensée de Descartes au sein de ce groupe (presque) 100% pur, je suis le « mouton noir » ... l’anomalie ! Preuve qu’il y a encore du chemin à faire en Europe ! -Quant à Nathalie, co-pilote de la voiture avec Albert, elle suit son mari Claude à la trace, virage après virage, sur son smartphone : Albert, que se passe-t-il, il a 2 virages de retard, crois-tu qu’il a un problème ? Déjeuner écolo et bio : soupe excellente, fromages et yaourts du cru. La journée se clôture par une bonne séance de détente à l’arrivée au Leikanger Fjord Hôtel, autour d’un solide stock de bières offertes par Gilbert qui fête à distance l’anniversaire de son épouse à qui nous souhaitons bruyamment « vill Glëk fir de Gebuertsdag, Josée !». Nuit dans une chambre sans rideaux, ni volet ! Sans doute pour rappeler au touriste obtus et insouciant que je suis que le soleil ne se couche pas et que la nuit il ne fait déjà plus nuit !
Jeudi 15 juin
Deux groupes vont prendre la route pour rejoindre Geiranger au fond du fjord du même nom, l’un des lieux les plus touristiques à la vue du nombre de bateaux de croisière qui y font escale.
-Les « jusqu’au boutistes » qui ajoutent une série de virages supplémentaires et boucleront 480kms au compteur. -Les raisonnables ou flemmards : JP-Axel-Jean-JM qui seront satisfaits avec 260 kms, cool et sans pluie mais il fait déjà frisquet ! Une route à péage nous emmène vers un superbe point de vue (le Dalsnibba) qui domine le fjord et les sommets enneigés aux alentours. Là il fait vraiment froid, 6/7° et le paysage change pour devenir plus aride. Le Nord se fait sentir ! Installation à l’hôtel Union à Geiranger, doté d’un magnifique spa où il est prévu de pouvoir « buller » une journée complète : le rêve quoi !!......
Vendredi 16 juin
…. Au moins pour ceux qui ne sont pas « intoxiqués » par un besoin impérieux d’une dose quotidienne de bitume et de virages. Donc, il y a 2 clients inconditionnels, Alain et Claude, plus un 3ième, Liette, qui, j’ai du mal à choisir, soit ne veut rien manquer, soit ne pas quitter son mari même une journée, ou les deux peut-être ! Enfin ils rentrent ravis, après s’être mangés 280kms pleins de brouillard, de murs de neige, de routes humides au bout du monde, de fjords, glaciers, cascades… Je crois surtout qu’ils sont surtout heureux d’avoir pu rouler sans « poids morts » ! Quant à nous, nous profitons pleinement de ce lieu de bien être classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Ciel bleu, vue imprenable sur le fjord, falaises abruptes qui tombent sur une eau bleu marine, cascades vertigineuses et touristes, toujours asiatiques en majorité. Une grande attraction : la virée en « speed-boat » sur le fjord à l’occasion de laquelle JP se voit baptisé du doux sobriquet de « phoqui » tellement, vêtu de sa combinaison de protection, il ressemble à ce sympathique animal.
Samedi 17 juin
Petite journée avec 250kms seulement et journée de contraste puisque nous quittons Geiranger sous le soleil jusqu’au déjeuner mais la pluie nous rejoint ensuite pour 130kms d’eau ininterrompue sur notre chemin vers les iles et la mer. La matinée commence mal puisque la GS de Carlo refuse obstinément de démarrer. Appel à notre dépanneur ambulant, Gilbert, qui fouille dans ses valises et en extrait un accumulateur universel capable, dit-il fièrement, de démarrer même un Boeing, pour autant qu’il soit chargé, ce qu’il n’est pas puisqu’il a oublié de vérifier avant de partir! On fait alors appel au joker, Albert, qui avec les pinces et la batterie de la Skoda, va ébranler le moteur récalcitrant. Carlo se gratte la tête pour trouver la cause de l’incident et finit par incriminer je ne sais quel accessoire, resté allumé la nuit, responsable de l’incident. L’Adlerstrasse nous offre 11 superbes épingles pour atteindre le promontoire aménagé qui surplombe le fjord avant de nous emmener vers le pays des Trolls, ces créatures surnaturelles et magiques du folklore Norvégien. Le Troll a un long nez, quatre doigts, quatre orteils, des cheveux hirsutes et la plupart d’entre eux ont une queue longue et touffue. Certains sont petits et d’autres sont géants. Certains récits parlent de Trolls à deux voire trois têtes. Ils peuvent avoir un à trois yeux .., tout un programme que nous n’avons malheureusement pas pu matérialiser, sans doute faute de temps, malgré nos recherches au flanc d’impressionnantes falaises d’où dévalent de gigantesques cascades qui leurs servent certainement de toboggans récréatifs. Nous poursuivons vers point de vue « Varden », d’où un panorama à 180° permet de découvrir 87 sommets (paraît-il car je ne les ai pas comptés)! C’est ensuite la fameuse «Atlantikstrasse» qui sur 8kms serpente entre de petites iles qu’elle franchi par des ponts à l’architecture souvent audacieuse, Malheureusement il pleut toujours et nous sommes copieusement rincés. Diner et nuit au Scandic Hotel de Kristiansund.
Dimanche 18 juin
Journée calme, relativement courte (305kms seulement), peu pluvieuse sur des routes de Kristiansund à Inderoy entre fjords, lacs et forêts. Une fois de plus on est frappé par la faible circulation (même un dimanche) et l’impression générale de « vide ». Le pays respire l’organisation, la tradition, l’austérité… le protestantisme. Seuls les troupeaux de mouton en quasi-liberté qui paissent tranquillement le long des routes animent le paysage. C’est reposant, sauf pour moi, qui supporte en permanence les gesticulations d’Axel, juste devant, qui s’agite sans que je n’en comprenne les motifs : soit l’âme d’un chef d’orchestre refoulé s’exprime à l’audition de la musique que lui diffuse Jean-Paul, le conducteur, soit la discussion entre les deux se veut expressive et convaincante, ce qui, au vu de l’ampleur et de la vigueur des gestes en question, laisse présager un sujet urgent, polémique et sérieux. Par bonheur, après 10kms, nous rencontrons le 1er bac quasi quotidien et une traversée un peu agitée à cause du vent. C’est l’occasion idéale pour Nathalie, de nous faire admirer la 1ière jaquette du jour (se reporter au vendredi 16 !). C’est toute la journée un vrai défilé de mode ce qui met en valeur sa riche garde-robe et la misère comparée de nos tenues avachies et poussiéreuses de motards. Joli hôtel, en pleine nature, diner chic et de qualité où nous accueillons à notre table un valeureux cycliste solitaire Allemand rencontré une semaine auparavant sur le ferry à Oslo et qui monte vers le Cap Nord en 8 semaines. Quel courage… à moins que, lui comme tant d’autres, cherche à échapper à une épouse trop envahissante !
Lundi 19 juin
L’étape s’annonce longue (450 kms) et la pluie va nous accompagner presque toute la journée, ce qui nous fera éviter quelques détours pourtant prévus au programme. Heureusement la route vers Mo I Rana est assez facile bien qu’une route, indiquée comme barrée et qu’Alain dans son intrépidité naturelle tente de forcer, nous oblige à devoir rebrousser chemin en vue d’un chantier infranchissable. La terre meuble va bloquer ma moto et une chute, sans gravité, en résulte. (Pour moi, impossible de faire un voyage XXL sans faire chuter une fois la moto !) Mes petits camarades vont se mobiliser pour redresser l’engin sans dommage. Nous trainons un peu pour un bon café réconfortant à Mosjöen, la plus ancienne ville de la région de Helgeland, dont les maisons en bois du XIXème siècle méritent l’arrêt.
Stupeur, 20 kms avant de rejoindre notre but du jour, l’hôtel Scandic Meyergarden, tous les GPS basculent en mode « nuit » et deviennent du coup illisible. Que s’est-il passé ? Que celui qui a une explication plausible, la signale à la rédaction de cet Info, qui le remerciera officiellement à la prochaine AG !
Mardi 20 juin
Nous reprenons la route vers le nord et rencontrons de nombreux chantiers d’aménagement de la E6 qui, sous la pluie persistante, ne sont pas toujours des sinécures à franchir, au moins pour moi. Il fait très frais : 6°. Presque normal puisque nous allons traverser le cercle polaire (66°N33’) matérialisé par un monument et un hall d’exposition mais surtout de vente d’articles divers dont des «jaquettes» pour Nathalie qui en est friande. Le Pôle nord n’est pas encore là, il est à 3330kms mais l’équateur est lui à 6600kms ! Nous traversons le Saltfjell, hauts plateaux froids et venteux largement enneigés. Ce sera notre entrée dans la zone arctique. Nous rejoignons Bodo après 260 kms et embarquons sur le ferry qui en 4hrs nous emmènera sur les iles Lofoten, une des perles de notre voyage. C’est l’occasion d’un roboratif diner à base de ragout de renne (ou d’élan) accompagné de champignons : succulent ! L’approche des Lofoten, chapelet d’iles rocheuses, est sublime sous la lumière d’un soleil timide mais présent. Pourvu que cela dure ! Pause photos et encore 70kms pour rejoindre notre hôtel à Leknes, en pleine nature remplie des odeurs entêtantes de la spécialité locale, le « Stockfisch », des milliers de cabillaud qui sèchent en plein air sur des claies de bois. L’une des rares richesses de ces iles lointaines, avec le pétrole et le tourisme.
Mercredi 21 Juin :
Solstice d’été (le soleil est à son zénith et la journée est la plus longue de l’année, ce qui ne change pas grand-chose pour nous, qui n’avons plus de nuit depuis longtemps !)
Ballade de 380kms (quand même !), sur les routes sinueuses des iles pour rejoindre Narvik. Peu de pluie et peu de soleil. Parti trop tôt (rarement de grasse matinée au club BMW !) nous arrivons au célèbre musée des Vikings avant son ouverture et nous devons zapper la visite qui pourtant était alléchante puisqu’il présente un ensemble d’époque (8/10ème siècle) de près d’une centaine d’habitations où vivaient 1800 de ces vaillants guerriers et commerçants qui ont laissé quelques souvenirs, sanglants parfois, dans notre belle Europe. Que ceux qui iront visiter la Norvège après nous, pensent à passer un moment dans ce lieu d’histoire et d’archéologie unique. Journée calme… mais, peu avant Narvik, Axel est attaqué par un goéland qui plonge sur lui, bec largement ouvert. Pour moi qui roulais derrière, c’était assez impressionnant : ou l’animal, parait-il hargneux de nature, n’aimait pas les Belges (ce que je ne peux admettre !) ou plutôt il était réfractaire à la couleur orange, celle du casque d’Axel. De nombreux ponts, tous plus beaux les uns que les autres, ponctuent le trajet qui, avant Narvik, nous amène à traverser Tovik, modeste bourgade sans intérêt particulier mais berceau familial de mon excellente kinésithérapeute de Bertrange (Hege Tovik) qui mérite bien cette publicité gratuite pour me maintenir en état avant les virées XXL.
Jeudi 22 juin
420kms pour cette longue étape qui nous emmène via Tromso vers Gildetun sur une route roulante, sans pluie, (ouf !) et même quelques rayons de soleil. Il fait froid, 6 à 10°. Déjeuner à Tromso après la visite de la Eismeer-Kathedrale qui domine la ville et le Tromsofjord avec son important trafic maritime. Le Gildetun Hotel est perdu au milieu de nulle part, en pleine campagne, avec vue sur une cascade, un glacier, un fjord demi gelé et des montagnes enneigées, tout ceci sous une lumière pale et presque blafarde. Cela sent le grand nord ! Diner et installations assez spartiates mais bonne nuit bien gagnée.
Vendredi 23 juin : le Cap Nord
On doit approcher car Albert, qui jusqu’alors n’a pas quitté un tee shirt sans manches (il en changeait tous les jours !), quelle que soit la température, se décide à mettre «enfin» un superbe pull norvégien. A signaler que ce jour je perds mon titre, peu glorieux, de «dépasseur audacieux» au profit de Jean-Paul qui attaque fort la journée ! Il se souviendra certainement des circonstances précises que ma pudeur légendaire m’interdit de détailler !! 400 kms de belle route mais froide, 5/6°, nous conduisent vers l’hôtel à 25 kms du Cap. Nous longeons l’Altafjord où les Allemands avaient essayé de cacher leur fameux cuirassé Tirpitz que des sous-marins de poche Anglais ont réussi à couler en 1944. Le temps nous manque pour visiter le musée qui lui est consacré. Après la traversée d’un tunnel à péage de 7kms nous arrivons à l’hôtel Nordkapp Aran où nous faisons un stop pour prendre nos quartiers et déposer les sacs.
Un petit aparté pour vous dire que l’on croise un tas de gens sur les routes qui mènent au Cap : des cohortes de camping-car, de nombreux cyclistes souvent seuls qui ont sans doute laissé madame au chaud à la maison et dont les vélos sont tellement chargés qu’ils font penser à des chameaux sur roue (j’ai croisé au Cap un cycliste italien qui arrivait après 41 jours de périple et 4600kms. Il était fatigué et heureux ; quel courage !), des marcheurs avec sac à dos et tente ou qui poussent une poussette d’enfants chargée de leur matériel…et puis une foultitude de motos ! La route du Cap ressemble, un peu plus au nord quand même, à nos chemins de Compostelle ! Un tronçon routier de 26kms nous fait rejoindre le Cap dont l’accès est payant. Pas grand-chose à voir sinon une falaise de 300m qui surplombe la mer et l’inévitable centre commercial, sans oublier quand même le monument symbolique fait d’un globe terrestre.
Il fait 2°et nous avons atteint le but du voyage par 71°11’08. Le Pôle Nord est encore à 2000kms droit devant. Photos souvenirs, petit achats, gâteaux et cadeaux avant de rentrer par le même chemin à l’hôtel pour diner et vivre un grand moment de surprise lorsque Jean-Paul demande la carte des vins et que la serveuse lui amène 4 cubitainers de vins divers !! Rare et drôle !
Notre tour ne s'arrétait pas au Cap Nord, il fallait bien rentrer.
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